L’analyse inédite des données de plus de 30 milliards de pas géolocalisés, réalisée conjointement par Emerton Data et WeWard, apporte un éclairage factuel sur les différents phénomènes de mobilité observés depuis l’annonce du confinement en France.
Les résultats présentés dans ce rapport permettent d’alimenter les réflexions d’une part sur les implications d’un confinement généralisé et uniforme sur le territoire, d’autre part sur les modalités de mise en oeuvre du déconfinement ou d’un nouveau confinement.
L’annonce du confinement, effectuée quelques jours avant sa date d’effet, a généré de nombreux déplacements longues distances pré-confinement : environ 20% des français ont changé de département, principalement dans les départements jouxtant leur lieu de résidence.
Dans quelle mesure ces déplacements massifs pour la tranche d’âge 18-45 ans concerne-t-elle des regroupements familiaux au contact de parents vulnérables au covid-19 ?
Une analyse plus fine des trajets de proximité (inférieurs à 1 kilomètre) montre par ailleurs que la population française, notamment dans les villes, a rapidement retrouvé une activité pédestre quasiment normale au fil de la période de confinement. Après avoir brièvement chuté à 2000 pas par jour, l’activité pédestre a retrouvé fin avril un niveau quasiment équivalent à celui observé avant le confinement, à savoir 5000 pas par jour à Paris (contre 6500 en temps normal), dans une des villes les plus denses du monde (20 000 habitants / km2, et 5500 pas par jour dans le reste de la France (contre 5500 en temps normal).
Quel impact sanitaire de ce niveau de déplacement en zone densément peuplée ? Quel impact relatif par rapport à d’autres modes de déplacement individuels dans un contexte non confiné, par exemple avec la poursuite de l’activité professionnelle ?
Dans le cadre de la pandémie du COVID-19, de nombreux pays, dont la France, ont choisi d’adopter une stratégie de confinement ayant pour objectif de restreindre drastiquement les déplacements de leur population.
A l’approche du déconfinement progressif, WeWard et Emerton Data ont réalisé une étude sur la mobilité de la population française. Ce rapport se base sur des données anonymisées et agrégées à l’échelle départementale ou de l’arrondissement parisien, issues des utilisateurs de l’application WeWard. Plus précisément, les résultats présentés portent sur plus de 40 milliards de pas effectués par 140 000 utilisateurs répartis sur tout le territoire en métropole, ayant la particularité d’être composé d’individus plutôt urbains et dans la tranche d’âge 18-45 ans.
Dès les premiers jours du confinement (fin mars), la proportion de déplacements longs (plus de 10 kilomètres) a été divisée par 8, passant de 23% à 3%, alors même que la proportion des déplacements de courte distance (moins de 100 mètres) a été multipliée par 2,2, passant de 30% avant le confinement à 67% fin mars. En outre, les individus s’éloignant habituellement plus de 5 jours par semaine au-delà de 100 mètres, ne se déplacent hors de ce rayon que 2 jours par semaine en moyenne pendant le confinement.
A partir du mois d’avril, l’analyse montre une reprise des déplacements, avec une réduction de 8 points de la part des individus restant dans un rayon de 100 mètres (passant de 67% fin mars à 59% en avril). La reprise des trajets de moins d’un kilomètre est particulièrement élevée dans les départements les moins denses comme la Corse, l’Ariège ou le Lot.
Ce constat a lieu sur l’ensemble du territoire, avec toutefois des différences notoires entre départements. Paris compte habituellement 27% d’individus restant dans un rayon de moins de 100 mètres, contre 33% sur toute la France.
Les parisiens ont ainsi réduit encore plus drastiquement leurs trajets pour atteindre un même niveau de confinement que sur l’ensemble du territoire, s’établissant à 67%, avec de des disparités marquées sur certains arrondissements.
La proportion d’individus restant à moins de 100 mètres de leur domicile est moins élevée dans les départements à plus faible densité, comme pour le Lot (53%), l’Ariège (55%) ou la Haute-Corse (55%).
Au-delà de la proximité au domicile, le confinement a impacté l’activité physique quotidienne, mesurée par le nombre de pas journaliers. En temps normal, le panel réalise 5500 pas par jour.
Fin mars, le nombre de pas par jour a chuté de -61% avec 2100 pas par jour, pour ensuite repartir à la hausse et revenir quasiment à la normale fin avril, ceci en pleine période de confinement strict.
A Paris la baisse du nombre de pas journaliers fin mars est encore plus marquée (-71%), avec un retour à la normale plus modéré fin avril (-23% contre -2% seulement sur l’ensemble du territoire).
En plus des mesures de confinement et de distanciation sociale, le gouvernement français a récemment mis en place un pilotage départemental de l’épidémie.
Les mobilités interdépartementales font l’objet de restrictions lors du déconfinement progressif : limitation des déplacements à 100km et mesures spécifiques en fonction de la circulation active et des saturations hospitalières.
L’étude sur les données WeWard confirme le phénomène de déplacements interdépartementaux, observés par de nombreux résidents français ayant changé temporairement de lieu de résidence. Cela concerne 20% des français, dont 13% ayant pour destination un autre département. Sans surprise, les départements les plus urbains (Paris, Rhône, Bouches-du-Rhône, Gironde, Haute-Garonne, Nord, Loire-Atlantique) totalisent les nombres de départs et d’arrivées les plus élevés.
Paris est la principale origine des départs, totalisant 12% des départs nationaux chez les 18-45 ans, et représentant une proportion de 31% des résidents parisiens. Lyon est, à l’inverse, la ville qui enregistre le plus d’arrivées (4% de l’ensemble des arrivées en France). Les départements hébergeant les stations de ski se sont vidés avec un fort pourcentage de départs comme la Savoie (43%), les Hautes-Alpes (41%), les Hautes-Pyrénées (27%) ou la Haute-Savoie (18%). A l’inverse la Corse n’a pas subi de mouvements notables (moins de 5% de départs et d’arrivées observés).
Les départs en provenance d’Île-de-France, sont majoritairement à destination des départements limitrophes, totalisant 52% des déplacements observés. Ils concernent aussi les autres grandes villes pour 29% ainsi que les départements du littoral comptant pour 26% des déplacements.
S’agissant des départs des autres grandes agglomérations françaises telles que Lyon, Toulouse, Lille, Marseille, Bordeaux ou Nantes, les destinations se concentrent dans les départements à proximité immédiate.
Pour aller plus loin, il serait intéressant d’expliquer ce phénomène par segments d’âge plus précis (par exemple en analysant les étudiants de 18-25 ans). Enfin, les départs de la Savoie et de la Haute-Savoie ont pour destinations principales Lyon et Grenoble.